C’est le quatrième épisode de nos "Tôpcasts" que nous avons l’honneur de vous présenter aujourd’hui. Dans le deuxième, Marins d’hier et d’aujourd’hui nous abordions le sujet des plages où autrefois on ne se promenait pas, on ne se baignait pas et on prenait encore moins le soleil ! Les plages étaient des chantiers à ciel ouvert pour les pêcheurs (on y déchargeait les bateaux, on ramendait les filets, on triait le poisson, …) et l’eau faisait peur.
Puis nous avons consacré un épisode suivant aux influences anglaises dans la culture boulonnaise.
Celui d’aujourd’hui fait en quelque sorte le lien entre les deux puisque nous allons parler du rapport à la plage et à la mer qui, sous l’influence britannique va changer, pour passer de la plage dédiée au travail à la plage dédiée aux loisirs et aux bains de mer.
Je dis sous l’influence anglaise car c’est outre-manche qu’a été « inventée la plage » ! La plage telle que nous la connaissons de nos jours ou presque.
Au milieu du XVIIIe siècle, la révolution industrielle s’annonce, et les villes commencent à s’asphyxier sous la fumée. C’est à cette époque que le rapport à la plage et surtout à l’eau va changer.
Pour des raisons médicales dans un premier temps. Le docteur Russel, en 1750, va publier un traité médical extrêmement théorisé sur les bienfaits des bains de mer.
Les paysages de bord de mer vont dorénavant se transformer. A cette époque pudique un outil est nécessaire, la « bathing machine », en français « roulotte de bain », à l’intérieur de laquelle on se change.
Oui car on se baigne naturellement en costume. Costume souvent en laine, en 1850 (je vous laisse imaginer le côté peu commode de la chose au moment de sortir de l’eau).
Si celui des hommes est assez simple celui des dames est plus élaboré, il se compose d’un pantalon (qui doit cacher le genoux) d’une blouse, d’une ceinture, d’une pelisse, d’un peignoir, de chaussons et d’un bonnet.
Une fois habillée, la roulotte tirée par des chevaux est amenée jusqu’à l’eau avant qu’un maitre baigneur, ne vienne vous chercher et vous plonger dans la lame selon un nombre de fois dicté par les principes médicaux.
De la baignade médicale on va progressivement passer à la baignade de loisir et la mode des bains de mer va rapidement traverser la Manche et Boulogne avec Dieppe deviendront les pionnières de la villégiature maritime.
Les bains de mer présentés à l’origine comme réparateurs des santés fragiles vont peu à peu devenir prétextes à des séjours pleins de mondanités.
Boulogne possède un établissement de bains mais paradoxalement celui-ci n’a qu’un rapport lointain avec la baignade, dans ce « Palais de Neptune » on ne peut uniquement (au sous-sol) se baigner dans l’eau de mer chaude et accessoirement s’inscrire pour louer du matériel ou les services des roulottes et des garçons de bains.
En revanche, une suite de salons donne sur une grande salle ouverte où l’on mange, on donne des concerts et des bals ! Fréquenté par une clientèle d’exception ce lieu ne cessera d’être agrandit pour être sans cesse plus majestueux: salons de lecture de musique, de réception, salle de cartes, restaurants, terrasses extérieures bientôt un casino et un aquarium.
Tiens donc un aquarium à Boulogne au XIXe siècle ? Nous y reviendrons en détail prochainement à l’occasion des 30 ans de son descendant Nausicaá.
Boulogne comptera jusqu’à une soixantaine d’hôtels à proximité de la plage tous rivalisant de beauté architecturale. Leur non d’ailleurs ne laissent que peu de doute quant à l’origine de la clientèle qui les fréquentait : L’Hotel d’Angleterre, l’Hôtel de Londres, l’Albion, le Brighton, le Windsor, Le British, le Turf ou encore le black Bull...Malheureusement les conflits mondiaux du XXe siècle ne nous ont laissé qu’un seul témoignage de cette époque, l’hôtel Princess que vous pouvez encore voir face aux jardins du Casino, qui n’est plus un hôtel mais un immeuble d’habitation.
Deux stations en revanche gardent plus de traces de leur héritage balnéaire
A 4 km au nord de Boulogne, Wimereux est à la Belle époque la station à la mode, particulièrement prisée par la grande bourgeoisie lilloise et belge, elle comptera jusqu’à 600 villas, des villas qui sont particulièrement imposantes, car il y a de la place pour construire ex-nihilo, pourrait-on dire.
Il en reste encore aujourd’hui plusieurs centaines que vous pouvez découvrir au fil des rues.
Il y aura également 13 hôtels, dont deux palaces le Splendid et le Grand Hôtel, particulièrement prisés par les Anglais qui consacrent leurs journées au sport et leurs soirées aux mondanités.
Ils construisent le golf en 1901, un links de très grande qualité, où vous pouvez toujours jouer aujourd’hui.
Wimereux elle n’a pas de service de roulottes de bain, mais des tentes à même le sable à l’origine, qui deviendront bientôt des cabines de plages "en dur", similaires à celles qui ornent encore la digue aujourd’hui.
Il faut savoir que la digue à Wimereux, n'est pas comme on pourrait le croire un héritage de cet âge d'or du balnéaire, mais elle fût construite un petit peu plus tard, entre les deux guerres du XXème siècle, répondant aux besoins de se montrer et de se socialiser.
Vous voyez, on a assisté en quelques décennies à l'avénement des stations balnéaires modernes, on est passé des bains thérapeutiques aux stations balnéaires dédiées aux sports et aux loisirs, Hardelot au sud de Boulogne en est le plus bel exemple !
"La plage des reines et la reine des plages !", comme disait le slogan à l'époque a, non seulement, une vocation balnéaire mais en raison de sa création un peu plus tardive en 1905, elle est plutôt tournée vers le sport : terrains de tennis, jeux de croquet, équitation, golf, chasse et bientôt char à voile, qui a été inventé, rappelons le par Louis Blériot et sur la plage d'Hardelot. Hardelot a été créée par l'industriel John Whitley et elle doit beaucoup à l'architecte Marie -Louis Cordonnier, qui nous laisse encore aujourd'hui nombre de villas que vous pouvez apercevoir en vous promenant dans le centre d'Hardelot.
Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter de profiter des bains de mer sur les plages du Boulonnais: d'Hardelot à la pointe aux Oies. Vous verrez qu'elles ont chacune leur particularité, la pratique des bains de mer a énormément changé depuis les prémices. On pratique aujourd'hui beaucoup d'activités nautiques, on y profite des bars de plage du Boulonnais et des nombreuses installations.
Quant à la roulotte de bain, vous pouvez en observer une, qui a été reconstituée et qui est visible dans le bureau d'Information Touristique de Boulogne-sur-Mer.